Pour la 1ère fois, le continent africain a compté 2 équipes simultanément au 2ème tour d’une coupe du monde. Cependant, ce sont encore les frasques et les tracas extrasportifs qui ont encore fait remarquer le football africain.

Si l’Algérie, la Côte d’Ivoire et dans une moindre mesure le Nigeria sont sortis grandis de cette compétition, les camerounais et les ghanéens ont tout simplement fait injure aux mots “professionnalisme” et “patriotisme”. Les algériens ont été tout bonnement héroïques durant la compétition. Ils sont allés au bout d’eux-mêmes au cours d’un match plein d’envie, d’une intensité folle face aux à l’Allemagne en huitièmes de finale (à tel point que plein de footix considèrent qu’ils auraient pu gagner en oubliant le match Howardesque de Raïs M’bolhi). La Côte d’Ivoire, malgré une organisation impeccable, une équipe équilibrée, une structure de jeu bien définie, a encore loupé le coche pour quelques secondes d’inattention et de panique en fin de match face aux grecques. Les grands perdants de cette compétition resteront malheureusement 3 grandes figures du football africain : Le Ghana , le Nigéria et le Cameroun.

Le Nigeria

Malgré une coupe du Monde plutôt satisfaisante sur le plan sportif qui s’est conclue par une défaite honorable face à l’équipe de France (avec potentiellement un carton rouge pour Matuidi qui aurait changé la donne… On ne réécrira pas l’Histoire), les Super Eagles, champions d’Afrique en titre, se sont faits remarquer en faisant grève d’entraînement 2 jours avant d’affronter l’équipe de France. Il y aurait aussi eu quelques soucis d’ordre disciplinaire entre le leader de l’équipe John Obi Mikel et quelques membres de l’encadrement .

Le Ghana

Les ghanéens auront plutôt fait bonne figure durant cette compétition. Ils étaient dans un petit groupe de la mort. Si la défaite malheureuse face aux américains leur a coûté, c’est encore une fois côté vestiaire que tout a dégénéré. Grève pour non paiement des primes, bagarres à l’entraînement entre joueurs, échauffourées avec quelques membres du staff (Muntari, Kevin Prince Boateng). Tout cela s’est conclu en un vaste capharnaüm et l’expulsion des 2 cadres de la sélection cités.

Plutôt mention décevant tant cette équipe semblait présenter les armes pour rivaliser et se montrer à la hauteur de leur performance de 2010 .

Le Cameroun

Les lions indomptables ont sans aucun doute été la pire équipe de la compétition. Et ce sur de nombreux plans :

– Sur un plan strictement sportif : 3 matchs, 3 défaites, 1 but marqué, 8 encaissés. Aucune identité de jeu, aucune agressivité, manque de leadership, absence de cohésion dans le groupe apparente.

– Sur le plan de l’organisation et du management : 2 jours de retard pour l’arrivée en terre brésilienne, grève avant la compétition pour des soucis de primes, l’Eto’oGate (avec sa maîtresse en pleine compétition + l’affaire Rhoff), la guéguerre fédé-ministère de tutelle, la suspicion de matchs truqués.

Bilan

Le plus triste, en cette coupe du monde considérée comme la plus belle depuis des lustres, est le fossé sans cesse grandissant qui se creuse entre l’Afrique et le reste du monde du football. Les mêmes maux semblent miner le football africain depuis une vingtaine d’années.
Quelles sont les solutions envisageables pour redorer le blason du foot africain et peut-être rêver d’un dernier carré pour une prochaine coupe du monde ?

Voici 7 idées de travail pour permettre au football africain d’exister à l’échelle mondiale :

I – Augmenter l’attractivité des championnats domestiques

Les exemples les plus flagrants, même si bénéficiant d’une économie et de structures autrement plus importantes, sont l’Algérie et les Etats-Unis. On aurait pu citer l’Egypte et la Tunisie.
Ces 2 nations ont composé avec une majorité de joueurs évoluant dans le championnat local pour des résultats qu’on a pu apprécier. La bonne idée serait de réussir à rappeler des trentenaires pour qu’ils puissent faire profiter de leur expérience du professionnalisme aux plus jeunes. Cela suppose aussi une bonne politique de formation et un certain investissement économique pour attirer les anciennes gloires locales en pré-retraite. Il faudra donc nécessairement une structure organisationnelle à la hauteur du foot professionnel.
Les résultats mettront sûrement quelques années à transparaître, le temps d’ingérer et digérer tous les changements à apporter. Cela fait un siècle qu’il règne une pression quasi-irrespirable au sein des fédérations africaines pour bien peu de résultats donc attendre 4-5 ans, ça n’est pas bien gravissime.

II – Utiliser à bon escient la diaspora

Les bons élèves : Algérie – Etats-Unis

Longtemps l’Afrique n’a pas pu exploiter les talents de Samuel Ipoua, Bruno N’gotty, Tigana, Vieira, Zidane, Loko, Desailly, Evra, Boumsong ou Wilfried Zaha mais la tendance s’inverse tout doucement. L’Algérie a réussi à convaincre Boudebouz, Bentaleb, Feghouli, Taïder et quelques autres ; les américains ont naturalisé quelques “allemands” qui apportent un plus de par leur expérience naturelle du professionnalisme et du haut niveau.

III – Promouvoir la méritocratie

Les bons élèves : Algérie – Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire a écarté 2 anciens cadres de la sélection (Romaric, Jean-Jacques Gosso), et a préféré titulariser Wilfried Bony en lieu et place de Drogba. L’Algérie a écarté Ryad Boudebouz, Bougherra est sorti du banc. Par contre, Samuel Eto’o a tout simplement été titularisé malgré un statut médical qui aurait dû le priver de coupe du monde.

IV – Se séparer des ” Bad Apples” (pommes avariées)

L’équipe nationale dispose de très peu de temps pour se mettre en place, les joueurs étant plus souvent à disposition des clubs, et il est donc intolérable d’avoir certains écarts comportementaux ou des joueurs voulant se rendre plus importants que le “système”. L’Espagne a grandi en se séparant la stature ombrageuse de Raul ; l’Allemagne (par défaut) s’est construite sans Ballack, la Côte d’Ivoire aurait peut-être besoin que Drogba passe la main ; le Cameroun au vu de son début de match face au Brésil, dispose des armes pour faire sans Papi Eto’o .
Les cas Muntari, Kévin Prince Boateng, Obi Mikel et Samuel Eto’o démontrent à quel point certaines stars du foot africain peuvent, par leur mauvais comportement, gangrener la cohésion de l’équipe et provoquer une anarchie totale à toutes les échelles.

V – Transparence, fin de la politisation du sport

L’Afrique s’est encore illustrée par des soucis d’impayés au niveau des primes. Quand on voit les sommes allouées en cas de qualification par la FIFA, les contrats sur l’image des différentes nations, le nombre du personnel non-sportif (familles des dirigeants etc…) qui accompagnent le staff national, on peut se poser des questions sur non seulement la transparence mais aussi sur la clairvoyance des instances dirigeantes.
Les politiques devraient laisser le sport à ses acteurs et ne pas en faire un outil d’enrichissement personnel (surtout si c’est de manière frauduleuse).

VI – Résoudre les problèmes de prime en amont de la compétition

Les qualifications se sont achevées courant Novembre 2013 et les débats sur les primes ont eu lieu au mois de Juin 2014. 8 mois sans aucun échange, ni négociations ? Les joueurs auraient déjà pu mettre en parenthèse plusieurs matchs amicaux hivernaux pour démontrer le sérieux de leur démarche. Bien évidemment, l’attitude des fédérations n’est même pas à commenter.

VII – Le choix de l’encadrement et de l’organisation managériale

Les récents échecs des nations africaines découlent aussi d’une absence de fil conducteur dans la gestion des affaires. L’éviction de Paul Leguen en 2010 (pourtant auteur d’un retour miraculeux pour les qualifs’), l’éviction de Coach Vahid en 2010 de la Côte d’Ivoire, le départ de Vahid en 2014 de l’Algérie (du fait de nombreuses altercations avec la fédération et certains médias) sont des exemples marquants de la politique de recrutement des entraîneurs.
Les fédérations ont tendance à oublier que l’équipe nationale, ça n’est pas un mois de travail qui est jugé tout les 4 ans mais exactement l’opposé (4 ans mis en balance sur 1 mois). Il convient donc de bien définir le profil de son entraîneur, ses envies, ses projets, les chantiers à mener à tous les niveaux du sport (des jeunes qui sont la base aux seniors A). Est-il préférable d’avoir un entraîneur local ou un entraîneur expérimenté européen ou sud-américain ?
Quelles sont les prérogatives du DTN, de l’entraîneur national de l’équipe première ? Il faut bien évidemment que cessent toutes ces doubles listes avec des joueurs que l’entraîneur découvre lors des rassemblements. Le travail des uns et des autres doit être respecté.

Le chemin est long. Il est forcément à mettre en parallèle avec un modèle de fonctionnement au quotidien et un large déficit organisationnel et logistique. C’est plus un problème de société et de mauvaises habitudes. L’Afrique doit panser ses plaies et se restructurer (pas qu’en matière de sport). Le continent progresse, certes moins vite, mais avance tout de même. L’idée, ce serait de mettre le bleu de chauffe, car nous ne disposons pas du plus grand marché économique à l’échelle mondiale et sommes du coup appelés à en faire plus pour parvenir aux mêmes résultats que les autres.